Il y a une dramatisation du rapport entre les jeunes et l’alcool : c’est ce que constate Griselda Razafimanantsoa, vice-présidente en charge de la Prévention Citoyenneté Solidarité de la FAGE (Fédération des Associations Générales Etudiantes), et étudiante en médecine à Toulouse.
Quelle place a l’alcool dans les actions que vous menez ?
La FAGE regroupe 2000 associations étudiantes, à qui elle offre une représentation nationale. Elle a pour but de défendre et de représenter les étudiants, aussi bien dans leur vie étudiante que dans la prévention des comportements à risques. Les associations étudiantes organisent souvent des soirées, lieux de rencontres et d’échanges pour les jeunes. Dans ces soirées, il y a de l’alcool. Les risques qui en découlent sont une priorité pour la FAGE.
Quelles sont ces actions ?
On conseille les différentes associations étudiantes sur le déroulement des soirées. On leur explique comment gérer un bar ou encore comment mettre en place des dispositifs de sécurité et de secours. On les informe aussi sur les lois établies, dont certaines associations ignorent encore l’existence. C’est le cas notamment de la loi instaurée en 2009 par l’ancienne ministre de la santé, Roselyne Bachelot, interdisant les open bars. Il faut rappeler que les associations étudiantes avec lesquelles on travaille sont bien souvent demandeuses de projets et de conseils. Ce sont leurs requêtes qui guident véritablement nos actions.
Vous avez développé un véritable arsenal préventif. Vous considérez donc que les jeunes ont un rapport dangereux à l’alcool ?
On ne peut pas parler véritablement de « rapport dangereux ». On parle plutôt de « consommation à risques ». La dépendance à l’alcool ne concerne pas vraiment les jeunes de 15 à 25 ans. Au contraire, les chiffres montrent que la dépendance est souvent observée chez les personnes plus âgées. Le vrai risque pour les jeunes est en fait ponctuel, lorsqu’ils consomment de l’alcool de façon excessive en soirée. La FAGE intervient donc pour les sensibiliser aux risques liés à une hyper-alcoolisation, notamment les accidents de la route, ou encore les rapports sexuels non protégés.
Ces cas isolés entraînent une grande stigmatisation des jeunes,
qui ne reflète pas leur comportement général en soirée
Le président de la FAGE, Philippe Loup, a évoqué des “débordements dramatiques” mais “mineurs” dans Revu et Corrigé sur France 5. Qu’a-t-il voulu dire ?
Les jeunes sont de plus en plus perçus comme incontrôlables en soirée. Or, tous les jeunes ne le sont pas forcément. La plupart sait apprécier une bonne bière ou un bon verre de vin. Il y a certes eu des accidents terribles, des cas isolés suffisamment dramatiques pour que la FAGE s’implique dans la lutte contre l’alcool. Néanmoins, on se retrouve face à un problème aujourd’hui : ces cas isolés entraînent une grande stigmatisation des jeunes, qui ne reflète pas leur comportement général en soirée.
En quoi les étudiants sont-ils stigmatisés ?
Le thème de l’alcool en soirée est devenu une vraie cible médiatique. Les médias visent surtout les étudiants, alors que les statistiques de prévention routière montrent que les plus touchés par l’alcool au volant, sont les 30-40 ans. Les reportages sur les soirées étudiantes sont très à la mode aujourd’hui. Ils sont souvent modifiés, de façon à montrer des images de soirée scandaleuses, plus vendeuses. Les médias oublient de rappeler que la consommation d’alcool est nationale et touche toutes les catégories d’âges. Il faut arrêter de montrer les jeunes du doigt !
Les médias visent surtout les étudiants, alors que [...]
les plus touchés par l’alcool au volant, sont les 30-40 ans.
Pourtant les chiffres montrent une augmentation du « binge drinking » chez les étudiants. Qu’est-ce qui les pousse à boire autant ?
Si on connaissait les raisons de l’augmentation de la consommation d’alcool chez les jeunes on aurait déjà éradiqué ce problème. Les publicités sur l’alcool dans les lieux publics pourraient en être une cause. Il existe aussi bien d’autres incitations à la consommation, auxquelles nous ne pensons pas. Rappelons, à titre d’exemple, que le Salon de l’Agriculture organise chaque année une « foire aux vins ».
La FAGE s’est opposée au « rapport Daoust », projet de loi sur l’encadrement des soirées étudiantes. Pourquoi ? Qu’en est-il à présent ?
Nous travaillons actuellement avec Martine Daoust, rectrice de l’académie de Poitiers et rédactrice du rapport, sur l’élaboration d’une charte concernant l’organisation des soirées. Selon nous, il est néanmoins primordial de garder une vision étudiante de la problématique « jeunes-alcool ». Le but de nos associations est de valoriser les actions des associations étudiantes et non de les déprécier. Les enquêtes de la Prévention Routière déplorent par exemple que 24% de bars fassent encore des soirées « open-bars ». Pour nous, ce chiffre montre, au contraire, que 76% des bars français ont mis un terme aux open bars. C’est une vraie victoire.
Pour contacter la FAGE, rendez-vous sur leur site internet.
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